Les autres traitements en comprimés en développement
Ils sont nombreux mais leur efficacité reste encore à démontrer. Certains qui sont déjà commercialisés comme la Minocycline (antibiotique), l’Atorvastatine (anti-cholestérol) ont du mal à trouver des financements suffisants des laboratoires pharmaceutiques (du fait de leur prix insuffisant pour être très rentables dans la SEP) pour permettre le développement de grandes études de phase III.
Les anticorps monoclonaux
Il s’agit d’anticorps délivrés sous forme de perfusion (une fois par mois dans le cas du Natalizumab) qui vont neutraliser les lymphocytes et les empêcher d’agresser le système nerveux. Leur mode d’action diffère selon le type d’anticorps : empêcher la pénétration dans le cerveau des lymphocytes pour le natalizumab, neutraliser les lymphocytes B pour le rituximab, neutraliser tous les lymphocytes et monocytes pour l’alemtuzumab, bloquer certains récepteurs essentiels à l’activation des lymphocytes pour le daclizumab.
Plusieurs présentations ont fait le point sur l’efficacité et la tolérance des anticorps monoclonaux dans la SEP au cours de l’ECTRIMS.
Le Natalizumab (Tysabri) est le premier de cette nouvelle génération de traitement à avoir été commercialisé dans la SEP. Ce traitement qui est actuellement disponible sur le marché est indiqué chez les patients qui présentent une forme évolutive de la maladie avec au moins 2 poussées marquées dans l’année ou au moins une poussée malgré un traitement par interféron et des signes d’évolutivité à l’IRM cérébrale. Son efficacité est remarquable et supérieure aux interférons ou acétate de glatiramère: diminution en moyenne d’environ 70 % de la fréquence des poussées, de près de 90 % des nouvelles inflammations actives visibles en IRM et diminution envi
ron de moitié du risque de progression d’un handicap. Il est en général très bien toléré. Cependant des risques rares d’infection grave ont été rapportés notamment par le virus JC au niveau du cerveau (Leucoencéphalopathie Multifocale Progressive, LEMP) : 3 cas récents depuis la commercialisation et 2 dans les études initiales, sur près de 40 000 patients traités. Ces infections sont favorisées par des déficits du système immunitaire. Un point précis sur ces cas et les données de tolérance ont été présentés à l’ECTRIMS. Ces cas bien qu’exceptionnels et la nouveauté du traitement justifient pour l’instant de réserver le Natalizumab en première intention aux cas de SEP sévères ou en seconde intention aux cas d’insuffisance des traitements de type interféron ou Copaxone.
L’Alemtuzumab (Mabcampath) est un nouveau traitement qui a montré une efficacité remarquable au cours de l’étude de phase II (« CAMMS223 ») chez 334 patients présentant une SEP évoluant par poussée depuis moins de 3 ans. Le traitement poursuivi durant 3 ans a montré une réduction de 74% des poussées par rapport à l’interféron (Rebif 44) : 0,1 poussée en moyenne par an versus 0,26. Il a montré aussi une réduction de 71 % du risque de progression du handicap par rapport au groupe traité par Rebif 44. En moyenne les patients ayant reçu durant 3 ans le traitement étaient moins handicapés à la fin de l’étude qu’au début. Ces résultats connus déjà depuis 1 an (ECTRIMS 2007) ont été publiés dans le plus grand journal de médecine du monde, le « New England Journal of Medecine » le 23 Octobre 2008, ce qui a été l’occasion d’une médiatisation (en première page du Figaro notamment). A l’ECTRIMS 2OO8, les résultats des détails complets à 3 ans ont été présentés à nouveau ainsi que les résultats de la tolérance du traitement. Ce traitement puissant qui a déjà actuellement une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de certaines leucémies diminue très fortement le nombre de lymphocytes circulants et peut favoriser des infections. 5 cas de diminution sévère des plaquettes sanguines ont été observés pouvant entrainer des hémorragies (un patient décédé par hémorragie cérébrale). Il peut aussi entrainer des dysfonctionnements de la thyroïde (en général contrôlables par un traitement). Deux très grandes études de phase 3 « CARE-MS I et II » ont démarré en 2008. Les inclusions sont encore actuellement en cours, notamment dans plusieurs centres français. Malgré son efficacité très importante dans les formes précoces de SEP évoluant par poussées, les effets secondaires potentiels font que ce traitement sera probablement réservé à des formes évolutives de la maladie non contrôlables par les traitements déjà existant. Résultats attendus pour 2011, donc autorisation de mise sur le marché probable pour 2012-2013.
Le Rituximab
Cet Anticorps monoclonal va se fixer sur les lymphocytes B (responsables de l’immunité « humorale » à l’origine des anticorps) pour les neutraliser et les éliminer.
L’étude de phase 2 (104 patients durant 1 an contre placebo) a montré une diminution de 50% de la fréquence des poussées et une réduction de 91% des lésions actives se réhaussant par le produit de contraste gadolinium à l’IRM (N Engl J Med. Février 2008). Plusieurs grandes études de confirmation sont en cours (inclusions actuellement en cours dans plusieurs centres français).
Le Daclizumab
Il bloque le récepteur à l’interleukine 2 à la surface des lymphocytes, empêchant ainsi leur activation. Le gène de ce récepteur est justement un facteur de susceptibilité génétique à la SEP mis en évidence l’année dernière. Les premières études de phase 2 montre une efficacité significative dans la SEP mais plutôt moindre que le natatizumab ou l’alemtuzumab.
Des études thérapeutiques nouvelles originales ont également été présentées durant le congrès qui explorent des nouvelles modalités thérapeutiques
Tovaxin (étude TERMS, laboratoires Opexa therapeutics)
Il s’agit de la première étude d’envergure de type phase II contrôlée randomisée ayant comparé l’efficacité dans la SEP d’un traitement de type vaccination par récepteurs de lymphocytes T par rapport à un placebo. Ces traitements ont pour but de provoquer une sorte de « désensibilisation » des lymphocytes vis à vis de la myéline pour qu’ils cessent de l’attaquer. L’idée est d’adapter le type de traitement à chaque patient en fonction des caractéristiques individuelles de son système immunitaire : on vaccine contre les lymphocytes agresseurs du patient qui reconnaissent certaines protéines de la myéline. Il s’agit d’une grande nouveauté car les traitements habituels existant ne tiennent pas compte des spécificités propres à chaque patient. Il s’agit donc là d’un traitement différent pour chaque patient (« à la carte », selon les perturbations détectées au niveau de son système immunitaire, qui sont différentes d’un patients à l’autre). 150 patients ont été randomisés et suivis durant un an dans cette étude pour recevoir le traitement par voie sous cutanée (100 patients) ou un placebo (50 patients) selon les mêmes modalités. Les résultats ont montré une diminution moyenne de 37% des poussées sous traitement (tendance statistiquement non significative cependant du fait du nombre insuffisant de patients dans l’étude) avec une diminution plus marquée de 55% des poussées dans le sous groupe des patients ayant eu plus d’une poussée dans l’année précédente. Le taux des poussées étaient particulièrement bas (0.21 sur l’année dans le groupe traité). Ces traitements prometteurs pourraient être encore améliorés pour se développer dans les années qui viennent.
Injection intraveineuse de cellules souches mésenchymateuses non hématopoïétiques de moelle osseuse
Dans cette étude ouverte (pas de randomisation ni de population de patients contrôles ne prenant pas le traitement pour comparer), des cellules souches de la moelle osseuse mais de lignée non sanguine ont été injectées par voie intraveineuse à des patients présentant une SEP très sévère d’aggravation récente et en échec de tout traitement. Un essai en parallèle était réalisé aussi dans la sclérose latérale amyotrophique qui est une maladie entrainant une paralysie généralisée très différente de la sclérose en plaques (parfois malencontreusement confondue avec elle par le grand public). Ces cellules souches sont capables chez l’animal dans les modèles animaux de SEP chez la souris (maladie provoquée par immunisation avec injection de myéline chez la souris appelée « encéphalomyélite autoimmune expérimentale ») d’évoluer vers des lignées de neurones, de cellules astrocytaires ou oligodendrocytaires (ces dernières fabriquent la myéline) avec production de facteurs de croissance nerveux appélé BDNF, action régénérative stimulant la guérison des plaques et aussi action surle système immunitaire.
Après 2 mois de culture en laboratoire, 100 millions de cellules souches ont été ainsi injectées par voie intraveineuse à 15 patients SEP. Les résultats montrent à 6 mois une amélioration modérée du handicap. Le traitement a été jusqu’ici bien supporté. Le recul n’est pas toutefois encore suffisant pour l’instant pour connaitre la véritable efficacité de ces traitements qui pour l’instant n’ont montré de vrais bons résultats que chez l’animal. D’autre part les risques à long terme de ces traitements (possible risque de cancer développé par les cellules injectées en particulier) ne sont pas connus.
Enfin il faut noter deux études moins innovantes mais au résultat très intéressant.
L’une concerne l’utilisation des corticoïdes à forte dose en traitement de fond en association à l’interféron. L’autre concerne un essai de traitement par la vitamine D.
Methylprednisolone en traitement de fond de la SEP évoluant par poussées
Cette étude a comparé l’efficacité sur les paramètres cliniques et IRM de 200 mg en comprimé de corticoide / jour durant 5 jours par mois par rapport au placebo chez 130 patients durant 2 ans (dont 99 patients ont terminé l’étude), en adjonction à un traitement par interféron Béta 1 a sous cutané 3 fois par semaine (Rebif 44 mg). Les résultats montrent une réduction relative des poussées de 62% par rapport au placebo associé au Rebif 44. L’étude n’était pas prévue pour une puissance suffisante pour juger de l’évolution du handicap (nombre de patients dans l’étude insuffisant) mais une tendance non significative avec une réduction de 40% de risque de progression du handicap a été retrouvée. Les paramètres IRM (uniquement 2 IRM prévues au cours de l’étude) ont montré une diminution très modeste de 12% des nouvelles lésions élargies en T2. La tolérance a été bonne et il n’a pas été noté de différence significative par rapport au placebo concernant la minéralisation osseuse. Un vaste essai européen (MECOMBIN) incluant plus de 380 patients est prévu. Il faut noter qu’actuellement les corticoides à forte dose sont plutôt donnés en perfusion au cours des poussées uniquement ou dans certains cas d’aggravation progressive de la maladie. Les corticoides en comprimés à faible dose sont au contraire contre-indiqués de manière chronique car ils pourraient aggraver la SEP.
La vitamine D orale avec supplémentation calcique réduit significativement la fréquence des poussées et la progression du handicap
49 patients ont été randomisés pour recevoir à dose progressive jusqu’à 40000 UI de vitamine D3 par jour associé à 1200 mg de calcium durant un an ou un placebo. La proportion de poussée fut de 16% sous Vitamine D3 et de 37% sous placebo (p=0.01). Le handicap fut stable ou amélioré chez 91% des patients sous vitamine D3 et 62% sous placebo (p=0.018).
La Fampridine (4 aminopyridine)
Il s’agit d’un médicament déjà parfois donné pour la fatiguabilité à l’effort dans la SEP. Les preuves d’efficacité scientifiques restent cependant actuellement encore insuffisante. Une étude de phase II a été réalisée chez 239 patients SEP randomisés pour recevoir le traitement à la dose de 20 mg ou un placebo en double aveugle (ni le patient ni le neurologue évaluateur ne connaissait le traitement pris). Les résultats ont montré une amélioration du périmètre de marche chez 42% des patients prenant le médicament contre seulement 9% sous placebo. Une amélioration de la force musculaire a également été retrouvée chez les patients qui prenaient le traitement.
Dr Jean-Christophe Ouallet, CHU Pellegrin, Bordeaux